Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
La Cigale chante le livre

Réac' à chaud : La Bouille

18 Février 2016, 22:27pm

Publié par Cigale

Salut à toi, cher lecteur !


Un ami m'a fait découvrir une BD, La Bouille de Troubs, publié chez Rackham en 2012. Ya un petit bandeau rouge publicitaire dessus, comme on en trouve sur tant de livres,

 

"... un jour, y aura plus que de la gnole de supermarché..."
A la découverte du monde des bouilleurs de cru

"... vous allez humer le fumet de l'eau-de-vie, distillée au coeur des forêts du Périgord.  Vous allez croiser des hommes et des femmes rudes. Ils nous parlent d'un monde qui s'éteint doucement, celui des  bouilleurs de cru"
Etienne Davodeau


On suit l'auteur de la BD, Troubs, de septembre 1999 à fin mai 2000. Il part avec son ami Alain - à qui ce livre est un hommage - qui part de village en village distiller l'alcool. On y trouve toute une tradition qui se meurt, des vieux paysans au fin fond de la campagne, un monde que je n'aurais jamais soupçonné approcher.
 

Par quelles portes suis-je entré dans le livre ?


           Histoire                     Personnages               Contexte/Décor        Style d'écriture/de dessin
 

Lire ce livre, c'est avant tout une expérience humaine, pour le pire comme le meilleur. Les tranches de vies s'éparpillent. On aurait aimé faire partie de l'aventure, vivre ça nous aussi. Etre avec ces bouilleurs de cru, qui rencontrent tout un tas de personnes avec qui ils partagent un instant, une bouteille, un repas, en espérant le retrouver l'année prochaine. C'est des gars qui se lèvent aux aurores, triment dur toute la journée, gagnant un peu d'argent et surtout beaucoup de chaleur humaine, qui refusent qu'il n'y ai plus "que de la gnôle de supermarché" qui dépasse même pas les 40°.

Les personnages ont quelque chose d'extra-ordinaire au sens premier du terme, d'un peu surréaliste, parfois hallucinant. Le chasseur qui a tué son chien parce qu'il refusait de monter dans la voiture. La famille de 15 enfants (22 si tous avaient survécus). Un homme ne pouvant divorcer parce que sa boutique appartient à sa femme, alors il arrive à faire placer sa maîtresse. Mais cet ouvrage, c'est aussi une vieille dame, veuve depuis quelques mois, qui se met presque à pleurer parce que les bouilleurs de cru lui rappellent son maris. Ou encore un parisien qui était au chômage à la cinquantaine et qui est venu vivre à la campagne "et je ne regrette qu'une seule chose... c'est de ne pas l'avoir fait plus tôt."
 

Le dessin est noir et blanc qui jouent du clair obscur, des figures empâtées, massives. Pourtant, il y a toujours une fine attention aux détails, aux objets, à la nourriture, aux habitations. On y voit les différents processus de fabrication avec la machine, mais ce n'est en aucun cas un livre documentaire à mes yeux. C'est comme si vous y étiez, vous n'en retenez bien que ce que vous voudrez, peut-être que cela sera le fonctionnement de cette machine, mais plus vraisemblablement ce sera la rumeur sur machin, une expression marrante ou encore un mot de vocabulaire qui relève plus du patois qu'autre chose.

Cela ressemble en bien des manière à un carnet de voyage, un roman graphique peut-être même, moins à une BD.  Les bulles de dialogues sont rares, souvent elles ont l'air anodines et c'est ce qui fait tout leur charme, toute leur force. Sur la plupart des pages, on trouve le texte autour des illustrations. Enfin, "illustration", c'est vite dit, tantôt c'est l'image qui illustre le texte, tantôt l'inverse. Cela forme un tout plus qu'un rapport de force.

On est du côté d'un temps long, à l'image de ce que souhaite refléter cette BD. Vous ne l'aurez pas fini en une demi-heure, vous n'allez pas enchaîner les bulles, avec un petit sourire aux lèvres. Il y a du texte à lire, des passages qui vous forcent à vous arrêter quelques minutes le temps de digérer, avant de reprendre, tranquillement.


Pour le coup je vous la conseille, elle n'est pas une révélation absolue, mais c'est une expérience de lecture intéressante, une expérience humaine qui vous amène à vous interroger sur le temps de la modernité et des villes. C'est aussi une façon de mettre en lumière les bouilleurs de cru, qui sont en train de disparaître, ce qui ne peut que faire un pincement au cœur après cette lecture.


N'hésitez pas à dire dans les commentaires si vous avez apprécié cette BD, si jamais vous connaissez un peu ce milieu ou pas du tout !
 

Cigale, qui est tout de même un peu ému.

Commenter cet article